Réunion du comité sur Moulins

Ce jeudi 27 septembre, nous nous retrouvons chez Anne et Momo pour discuter de la campagne sur l’appel « Le droit de grève n’est pas négociable ». Nous sommes 8, tous représentant quelque chose dans le mouvement ouvrier local : Jacques est délégué CGT de la principale usine de la ville, Potain (Métallurgie) -et par ailleurs candidat du PCF aux dernières législatives et à des cantonales partielles-, Vincent est secrétaire départemental de la FSU, par ailleurs militant socialiste, au groupe Le Militant et animateur de la Lettre de Liaisons, Sylvie est responsable du syndicat FO au conseil général, Anne est militante CGT dans la santé, Pierre est représentant CGT dans les organismes traitant des handicapés et se trouve en plein congrès départemental CGT Santé-Sociaux, Jean-Luc est syndiqué CGT aux Impôts, par ailleurs secrétaire d’une section du PS, Yves, venu de Cosnes d’Allier, travaille comme agent au lycée Paul Constans de Montluçon où il a fait signer l’appel à plusieurs collègues, et est élu paritaire CGT pour les TOSS, Mohamed est syndiqué CGT dans une entreprise de plomberie-chauffage.

La discussion est introduite par un compte-rendu de la réunion de Paris du 16 septembre et la lecture de l’appel qui y a été discuté et adopté. Il est difficile d’en rendre la richesse et, parfois, la passion. Ce qui suit n’est pas un procès-verbal fidèle mais cherche à rendre l’essentiel.

Jean-Luc : faut différencier militants et dirigeants. Les dirigeants ne nous représentent plus.

Pierre : j’ai interpellé le congrès CGT Santé-Sociaux sur les régimes spéciaux et le droit de grève. Une autre camarade a proposé une motion de solidarité avec les transports. Le responsable de Montluçon ne voulait rien entendre et a expliqué qu’on n’avait pas à faire la leçon aux cheminots, alors qu’il s’agit d’être avec eux ! Mais demain on revient à la charge, le congrès est très réceptif.

Yves : cette réaction est bien dans l’attitude confédérale, c’est bien dommage mais des unions locales peuvent avoir une autre attitude.

Jacques : on ne va pas remettre en cause nos dirigeants, mais c’est vrai qu’ils attendent plus qu’ils n’impulsent. Il faut partir du principe qu’on peut les faire réagir, les entraîner. Il faut aussi faire attention à ce que dans les boîtes, les gars sont très sensibles sur le pouvoir d’achat mais ne se sentent pas ou pas encore menacés, ne sont pas bien au courant sur le droit de grève. Donc c’est à nous d’impulser que nos unions locales et départementales mettent cette question au centre, et il ne faut surtout pas se mettre à côté. Lundi soir, les cheminots font un banquet symbolique pour protester contre la fermeture de la gare la nuit, pour la première fois. Ils ont été très mobilisés cet été. Il serait bien d’aller les voir.

Jean-Luc : Oui la direction de la SNCF leur a expliqué d’abord que comme la nuit il n’y a soi-disant plus de train, ce qui n’est pas vrai, ils ont supprimé des postes, puis ils ont constaté qu’avec très peu de personnel, notamment féminin, la nuit ça craignait alors ils ont dit on ferme la gare la nuit !

Sylvie : de même dans la fonction publique, on externalise pour privatiser comme avec le Labo et le service de surveillance des eaux au conseil général.

Anne : faut bien voir que la destruction a commencé dans le secteur public, les conditions à l’Hôpital se dégrade de manière tangible alors qu’une appendicite rapporte plus à la clinique qui se fait du fric.

Vincent : et l’Hôpital Coeur de Bourbonnais sur St-Pourçain-Tronget-Rocles privatise son restaurant, le personnel et la section CGT ont appelé à l’aide les élus et les autres syndicats. Par rapport à ce que dit Jacques s’agit ni de faire les gauchistes ni de faire les suivistes, mais d’aller vers nos syndicats pour gagner. Les dirigeants cherchent à éviter tout affrontement central alors que Sarkozy lui le prépare délibérément. Il veut domestiquer les syndicats. Les gars comme nous ici il veut soit les domestiquer soit les liquider.

Jacques : on a l’exemple du référendum où la base et les militants ont imposé une position pour le Non dans la confédération. C’est vers ça qu’il faut aller. Quand à négocier, il faut négocier, mais pour négocier faut avoir les gars derrière nous. Cette condition n’est pas toujours réunie et certaines négociations n’en sont pas. Plus généralement c’est évident qu’on paie tous ce que la gauche nous a fait.

Sylvie : est-ce qu’il est possible avec l’UL CGT et éventuellement les autres UL d’appeler tous ensemble sur Moulins le 18 octobre ?

Jean-Luc : faut appeler, on s’en fout d’en haut, on décide, on décide la grève et on décide de parler du droit de grève même si en haut ils n’en parlent pas. Et on lie ça à la bataille pour les salaires dans les boites.

Momo : si on attend que ça se décide nationalement alors c’est Sarko qui gagne la course.

Pierre : après l’échec des présidentielles les gens sont dans l’attente, même s’ils sont allé voter au second tour des législatives. Alors l’organisation syndicale devient le dernier recours. Le 18 de fait peut être un élément déclencheur, c’est un danger pour Sarko. Ca discute, l’Energie appelle, les autres se disent comment s’associer, et certains dans les fédés qui appellent viennent leur raconter que c’est pas leur truc c’est juste les régimes spéciaux, et réciproquement d’autres disent c’est pas notre truc puisque c’est les régimes spéciaux ! Mais on voit vite que ce genre de raisonnement branche par branche ça tient pas parce que si eux, les cheminots, ils tombent, les autres tombent aussi. Le Medef a donné des signes à Sarko et il y a la crise financière : l’ordre tranquille des négociations est bouleversé. Dans ce cadre la question droit de grève est fondamentale. Très important et pas étonnant que la secrétaire du Syndicat de la Magistrature ait signé. Le pouvoir s’en prend à tous les appareils d’Etats eux-mêmes (Rachida Dati). Dans l’Allier ils veulent faire sauter les juridictions de Vichy et Montluçon. Ils feront pareil avec les prud’hommes. L’attaque contre le droit de grève est donc fondamentale par rapport à tout cela, pour criminaliser les résistances. Alors oui faut aller vers les syndicats, mais aussi directement vers les salariés syndiqués ou non.

Vincent : sur la base de notre appel et de la position prise le 16 septembre, nous sommes confrontés à nos responsabilités sur le terrain avec la situation qui vient. La grève générale c’est national et c’est politique, central, donc même si on met tout Moulins en grève ça ne sera pas la grève générale. Pas une fin en soi de mettre Moulins en grève. Dans l’absolu on est peut-être capable d’avoir un appel intersyndical avec l’abrogation de la loi antigrève, les 37,5 annuités à la grève interpro, mais çà n’est pas pour autant que ce sera suivi car l’enjeu est national et politique. D’autre par faut élaborer la manière de s’adresser aux gars dans les boites, à Potain, Bosch, JPM et sur les zones commerciales. A ce stade au plan de l’intersyndicale qu’on va susciter, je pense qu’il faut plus travailler sur un bon appel et sur un appel à une AG par exemple, sur le thème « Sarkozy attaque, comment contre-attaquer », le jour du 18.

Jean-Luc : et pourquoi ne serait-on pas le village gaulois ? Non pas les derniers irréductibles, mais les premiers !

Vincent : disons que si on arrive à être ça c’est qu’on aura bien nourri politiquement les choses et aidé les gars à agir par eux-mêmes.

Yves : Deux autres choses. D’une part je me demande si cette histoire de CSI, au plan international, n’est pas un truc qui ligote nos syndicats. D’autre part je trouve qu’il faut bien sûr contredire le discours selon lequel les cheminots etc. sont des privilégiés, mais faut voir que la vraie réponse dépasse le cadre du syndicalisme, on sort de la défense individuelle et des intérêts immédiats, on va vers le collectif et le politique.

Momo : dans les boites faut toujours partir du côté pratique des choses. Si c’est juste syndical ou politique c’est trop loin. Il faut donner des exemples : si il n’y a plus de train la nuit sur Moulins faudra aller chercher le fils ou la fille à St-Germain à des heures pas possibles. Accrocher sur le côté « inconvénient ». D’autre part, vous avez vu les chauffeurs de taxis en grève sanctionnés pour entrave à la circulation ? Cela est à relier à l’article 1 de la loi anti-grève, qui énumère des « droits constitutionnels » comme le droit de circuler, etc. Dans les signataires de l’appel il y a beaucoup d’enseignants et de travailleurs de l’Etat, moins du privé car c’est contraignant de tout lire, c’est long, faut qu’on arrive à résumer.

Yves : pareil pour mes collègues qui sont à la plonge, c’est dur de tout lire, même celui qui signe en fait il n’a pas lu, il t’a fait confiance.

Jean-Luc : puisque Vincent sera dans l’intersyndicale, je lui pose des questions : est-ce qu’on pourrait faire une grande réunion préparatoire du 18 avec des délégués de tous les secteurs ? Autre question : tes textes sont intéressants mais trop long pour servir directement avec les gars. Maintenant lundi à la gare, faut y aller. Je me rappelle une fois on a organisé une tournée de tous les directeurs de service, aller faire du bruit sous leurs bureaux, ensemble des groupes de toutes les administrations publiques, c’était venu d’en bas et ça avait super bien marché.

Jacques : d’une part le pouvoir a cassé nos droits, de droite ou de gauche, d’autre part on cherche à nous diviser et il y a la division syndicale, c’est vieux comme Hérode. Le truc important pour le 18 octobre c’est une assemblée, un débat ouvert, que les gens s’expriment plutôt que de faire péter des pétards, et sans doute plutôt à 14h à un horaire qui veut dire grève, mais ça reste à examiner au niveau de l’intersyndicale. Maintenant il faut que vous compreniez bien l’état d’esprit dans le privé, quand je disais que les gars ne se sentent pas encore menacé. Je ne parle pas de tout le privé d’ailleurs, mais de ma boîte, une grosse boite qui tourne. 650 y travaillent sur Moulins, 400 titulaires dont 100 syndiqués, les non titulaires c’est plus dur même si eux aussi réagisse, faut pas croire. La boite tourne, on n’a pas au moment présent d’inquiétude sur l’emploi et les commandes, le risque à terme c’est que ça tourne tellement bien qu’ils délocalisent en Slovaquie, d’où ils ont fait venir des stagiaires pour les former. Alors deux choses. Pour le syndicat il faut maintenant qu’on sorte un peu plus, on a tellement eu l’habitude d’être un bastion et de ne jamais aller à l’UL, maintenant faut aller à l’UL et faire monter des jeunes. Parce que quand je dis que la boite tourne et qu’il n’y a pas au moment présent d’angoisse du lendemain, ça ne veut pas dire que ça baigne. Il y a de la tension, le travail est tendu, les flux sont tendus, les gars sont tendus. Quand on explique les retraites qu’on va nous enlever il y a de la révolte. Il y a aussi eu un suicide dans l’encadrement, sur un autre site …

Sylvie : … comme à Renault avec les pressions pour que les salariés déchirent les arrêts de travail ?

Jacques : pas dans ce cas là, mais il y a des problèmes sur les contrôles des métaux qui ne sont plus aussi sûrs qu’avant. Mais oui, la pression monte sur le travail puisque la boite tourne, donc c’est les 3 8 et les VSD (Vendredi Samedi Dimanche) et sur les AT (arrêts de travail) il y a des habitudes comme à Renault, la direction préfère un gars qui est là à rien foutre qu’en arrêt maladie, et on voit des gars qui se coupent et qui ne vont pas à l’infirmerie.

Momo : mais la pression c’est pas le patron, c’est même pas le patron, qu’il soit pénible ou sympa, la pression c’est tout le système avec la peur du chômage.

Jacques : oui dans les PME mais moi c’est une grosse boite qui tourne et tu vois là aussi la pression est forte, les gars ont souvent intériorisé qu’il ne faut pas prendre d’AT, pas aller à l’infirmerie, mais ça les rend tendus, inquiets, prêts à exploser.

Jean-Luc : même dans nos bureaux il y en a comme ça. Bon moi je me suis toujours planté pour pronostiquer le succès ou l’échec d’une grève, mais je trouve qu’avant les gars protégeaient l’outil de travail, tout ça, maintenant il y a la cocotte minute, on fait moins grève mais c’est prêt à exploser et on se demande …

Pierre : … oui ça peut être violent.

Vincent : … réveiller le dragon …

Anne : ça craint un peu quand même ce que vous dites, des gens n’ont rien à perdre, mais faut voir ce qu’il y a derrière, et faut voir aussi la responsabilité, terrible, des dirigeants politiques dans cette situation.

Momo : on a mis 2000 ans à couper la tête aux rois, j’espère qu’on n’en mettra pas 3000 pour couper celles des présidents.

Pierre : … violence inévitable, ça ne veut pas dire qu’on doit être violents, on doit donner une perspective. L’alternative à cette violence qui ferait irruption c’est la violence de tous les jours, c’est les suicides dont vous parliez, alors … je siège à la commission du Handicap, suite à la décentralisation qui a tout mis aux Conseils généraux sans les moyens. On liquide les centres spécialisés et on impose les handicapés dans les écoles, comme ça. Dans le document théorique les médecins du travail ont 150 demi-journées pour aller dépister les handicapés dans les entreprises. Celles-ci ne vont pas embaucher des handicapés, mais proclamer qu’elles ont les quotas en décrétant handicapés une partie du personnel. Enfin bref il y a des attaques intensifiées sur absolument tous les sujets, et c’est ça qui nous ramène au droit de grève comme l’élément fondamental pour se défendre et contre-attaquer, le signe que s’ils font ça c’est pour passer le turbo contre nous tous.

Vincent : sur ce que dit Jean-Luc, d’abord sur la longueur des textes tu as entièrement raison, mais je fais exprès figure toi, je sais bien que ces textes ne sont pas lus à la porte des boites comme ça, ni dans les cantines, mais ils doivent permettre aux militants d’y aller, et pour arriver aux tracts courts et concis faut être passés par là le plus souvent.

Anne : ça serait le rôle d’une union locale de travailler à ces tracts qui contiennent en condensé tout ce qu’on vient de dire.

Vincent : sur les cheminots, c’est pas seulement « solidarité avec les cheminots », c’est, en langage militaire, que Sarko veut passer sur le détachement des cheminots pour casser toute notre armée, à cause de ses mauvais généraux. Une réunion préparatoire du 18 avec des délégués -concrètement les bases CGT et la FSU plus ceux qui viendrons des autres syndicats-, oui, mais aujourd’hui on ne sait pas encore, ce qui est sûr c’est qu’il faut aller le plus loin possible dans cette voie. Mon idée c’est pas qu’on soit tous en grève le 18 c’est préparer l’affrontement social et politique central, national, avec Sarkozy.

Jean-Luc et d’autres : mais faut taper là ou on est, créer l’étincelle !

Pierre : on a seulement 15 jours, c’est vrai qu’il faut voir au delà.

Jacques : j’attire aussi votre attention sur ce qu’ils ont fait à la Moria (PME pharmaceutique à Bourbon-l’Archambault); une grève de la boite pour porter plainte contre le travail gratuit le lundi de Pentecôte, ça ne passe toujours pas et Sarkozy lui il veut tout faire passer !

Vincent : déjà obtenir de l’intersyndicale une bonne position avec le droit de grève et les 37,5 annuités, pas sûr que ça aille de soi, et on verra si on cherche la grève partout si le national n’appelle pas, on ne peut pas les dédouaner, mais de toute façon faut aller vers une AG le 18 octobre sur droit de grève-retraites-contrat unique.

Décisions :

-faire un compte-rendu pour le blog et le bulletin,

-faire notre boulot syndical et au moins réaliser une AG locale le 18,

-pour cette AG faire un dossier avec l’appel, le texte du 16 septembre et le texte de la loi,

-nouvelle réunion du comité le vendredi 19 octobre 20h 30.

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